Gildor Roy : La Petite et le Vieux, un film lumineux
Laurie Mongrain
10/5/2024


Lundi dernier, nous avons eu l’occasion de rencontrer l’acteur, chanteur et animateur Gildor Roy.
Celui qui interprète le vieux dans le film La Petite et le Vieux, aux côtés de Juliette Bharucha, prouve une fois de plus aux téléspectateurs son talent et sa justesse d’interprétation. Par le biais de scènes émotives, humoristiques et attendrissantes, il exploite dans ce projet plusieurs facettes de son jeu. Reconnaissant d’avoir obtenu la confiance du réalisateur Patrice Sauvé pour représenter le personnage de Roger, il a savouré chacun des moments de tournage.
Voici ce que cet homme au grand cœur avait à me confier au sujet de son expérience sur le plateau, de sa vision du métier, de la chimie qu’il entretient avec le reste de l’équipe et de Dumas, la nouvelle série dans laquelle il est possible de le retrouver tous les lundis sur les ondes de Radio-Canada.


Présente-moi Roger, ton personnage.
Roger, c’est quelqu’un qui a été bien utile dans la société pendant une partie de sa vie, mais sa vie a comme explosé. Il a perdu sa femme, ses enfants se sont éloignés. Il a aussi perdu sa job, parce qu’il n’est pas du monde (rires), mais c’est quelqu’un qui a beaucoup à donner : de l’expérience, des connaissances, de l’amour. Il n’a juste personne à qui le donner, alors lui, il décide qu’il vaut mieux mourir. Au départ, le roman s’appelait L’homme qui voulait mourir et ça, c’est Roger. Quand il rencontre cette petite fille-là, il trouve quelqu’un à qui transmettre ce qu’il sait. Il en dit plein d’affaires : « dans la vie, il ne faut pas que tu fasses ça, fais ci comme ça, fais ça ». Il lui lègue donc beaucoup de choses et quand il a fini de lui donner ce qu’il avait à donner, il meurt. C’est quand même incroyable !
Et ça fonctionne, parce qu’un coup qu’il est parti, tu vois la petite laisser des chocolats pour les trois, ce qui signifie qu’elle a appris quelque chose. La transmission entre vieille personne et jeune personne, ça se peut dans la vie. Et ça pourrait marcher aujourd’hui encore, tu sais. Mais on est tellement rapides à dire « voyons donc, les vieux puis les jeunes, ça ne se comprend pas », mais non, ce n’est pas vrai. Ça se comprend quand ça se parle, je pense en tout cas.
Justement, cette chimie-là entre ton personnage et celui de Juliette était quand même assez surprenante. Dans la vraie vie, comment ça se passait entre vous deux ?
Ce que tu vois à l’écran, ce ne serait pas comme ça si ça n’avait pas été comme ça dans la vie. Elle, ça ne l’intéresse pas d’être une vedette. Ça l’intéresse d’être bonne actrice. Elle travaillait pour ça. Il n’y a donc jamais de moment sur le tournage où elle a dit : « Hé, Gildor, viens ! On va faire une vidéo ensemble » ; « Salut gang, je suis avec Gildor Roy sur le plateau du film… c’est super, all right, mettez des likes (ou je ne sais pas quoi, je ne sais pas comment ça fonctionne) ». Ça n’existe pas ça, ça n’existait pas et c’était parfait comme ça. On parlait de jouer, de techniques pour tourner une telle scène, de ce qu’on a déjà fait, de la vie, de la mort et des discussions profondes. C’était une partenaire d’égal à égal. Rapidement, ça s’est installé ça et ça paraît dans le film.


C’est aussi ça, ton état d’esprit face à ta propre carrière…
Oui ! Souvent, on entend les gens dire « oui, le public, le vrai monde », mais on est du vrai monde. Tout le monde est du vrai monde, on s’entend (rires) ? Il y en a des plus weird que d’autres, mais tout le monde est du vrai monde. Alors, moi, si quelqu’un m’arrête sur la rue et fait : « vous ne me connaissez pas, mais moi, je vous connais », je vais lui demander son nom. Comme ça, on va se connaitre un peu plus. C’est ça mon attitude naturelle. Tu le sais, c’est ce que j’ai fait avec toi. Il n’y a pas de motif ultérieur, c’est juste que tu as deux choix dans la vie. Notre passage est bref sur la planète, alors qu’est-ce que tu veux laisser dans tes traces ? De la marde ou des bonnes pensées ? Moi, j’ai choisi les bonnes pensées.
Quelle serait la plus grande ressemblance entre toi et ton personnage ? Et la plus grande différence ?
Roger, il n’endure pas les niaiseux. Ceux qui niaisent, mais on purpose. Ceux qui disent des niaiseries, comme je te dirais… Donald Trump. Ça, ça le fait chialer et l’on se ressemble là-dessus. La plus grande différence, c’est que je me lave régulièrement (rires).
Roger dit plusieurs choses intelligentes et inspirantes, par exemple sur le bonheur. Comment as-tu réagi lors de la lecture des textes ?
Aussitôt que tu lis ça, tu fais « Okay, c’est quelqu’un qui a réfléchi et qui a sans doute souffert beaucoup ». L’affaire la plus brillante qu’il dit dans le film, je pense que c’est quand il dit à la petite : « Le bonheur, ça ne se force pas sur le monde qui n’en veut pas. » Et c’est vrai. On veut tellement que tout soit cool, que tout le monde soit heureux et que tout soit extraordinaire, mais ce n’est pas comme ça la vie. Il y en a qui ne sont pas faits pour ça. Il y a des bouts où ce n’est pas extraordinaire et où ce n’est pas super cool, tout ça, mais quand tu tombes sur un bout qui l’est, là, mords dedans puis profites-en.


D’ailleurs, comment se sont passées les retrouvailles avec Vincent-Guillaume Otis ?
C’est comme retrouver mon petit frère, on est bien tannants quand on joue ensemble. Dans les scènes qu’on avait ensemble, souvent Juliette était là et elle nous ramenait à l’ordre. Elle nous rappelait qu’il fallait tourner la scène, mais c’est quelqu’un que j’aime beaucoup. Profondément.
Quand c’était la rentrée automnale télévisuelle, et que la série Les armes a commencé en même temps que Dumas, il y a certains journalistes qui ont écrit que c’était la guerre entre nos deux séries et qui se demandaient comment notre relation allait survivre à cela. Ça, ça nous a mis en tabarnak les deux, parce qu’on n’a rien à voir là-dedans. C’est une décision de diffuseurs, puis les diffuseurs se sont dit que ça allait être le fun, qu’ils allaient mettre les deux grosses émissions l’une contre l’autre.
Nous autres, au visionnement des deux émissions, on était dans le même hôtel. Nous autres [l’équipe de Dumas], on était dans une salle et eux [l’équipe de Les armes] dans une autre. Moi, je ne le regardais pas, donc, quand le show a commencé, je suis sorti dans le corridor et j’ai regardé à l’autre bout. Il était dans le corridor lui aussi, donc on a passé un bon bout de la soirée à jaser d’autres choses (rires).
Toute cette bullshit-là, de nous positionner comme des rivaux entre qui ça ne va pas bien, c’est complètement faux. Ça n’a pas de fondement.


Qu’est-ce qui t’a le plus intéressé du film ?
La petite, elle se prend carrément pour quelqu’un d’autre quand elle est adolescente. Puis, jusqu’à un certain point, on a tous fait ça un moment donné. La différence, c’est qu’aujourd’hui, il y a des parents qui ne font pas la part des choses. Certains pensent que si le petit Jonathan, disons, arrive déguisé en princesse, c’est parce que c’est une fille. Moi, si mes parents avaient été comme ça, je serais Batman aujourd’hui. Tu comprends (rires) ?
Donc, c’est normal de vouloir être quelqu’un d’autre, de ne pas savoir qui nous sommes et de ne pas savoir son orientation sexuelle. Tout ça, c’est un passage obligé. Laissez le temps aux affaires d’arriver, puis votre enfant n’est pas weird parce qu’elle se prend pour un autre. Dans le film, Jo, c’est une fille qui se déguise en mousquetaire et l’on a tous fait ça. On est tous passés par cette période-là. C’est normal de ne pas être normal.
Que dirais-tu au public pour le convaincre d’aller voir le film ?
Si vous êtes un adulte, allez le voir avec quelqu’un de plus jeune et ayez une bonne discussion après sur le fait que, finalement, c’est le fun les réseaux sociaux et ça peut être utile, mais il y avait beaucoup de bon avant que ça existe aussi. Ce film-là, je pense, est une preuve que tous les problèmes des êtres humains peuvent trouver leur solution dans les êtres humains, et pas dans un site ou un app.
Finalement, on peut actuellement te voir incarner Jean Dumas dans Dumas. Parmi les éléments que tu peux dévoiler, qu’est-ce qui arrive pour lui ?
Je suis content, parce que là, tout le monde dit que Roger, c’est un chialeux puis que Dumas est de mauvaise humeur, donc que je joue juste des affaires comme ça. Je leur dis d’attendre, parce que moi, je le sais comment ça finit la première saison de Dumas, puis on va comprendre pourquoi il est comme ça. Il n’est pas comme ça pour le fun. Qu’est-ce qui est arrivé avant ? Qu’est-ce qui l’a amené à être comme ça ? C’est ce que nous saurons peut-être demain (rires) !












Notons qu’il est désormais possible d’aller visionner ce film au cinéma, et ce, partout à travers le Québec. Vous en sortirez heureux, émotifs et reconnaissants avec, comme Gildor le mentionne, une réflexion amorcée quant à la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Il s’agit donc d’un essentiel du cinéma québécois, d’un baume sur le cœur en ce début d’automne.
Crédit photos de l'entrevue : Magdalena Thiffeault
Crédit photos du film : Yann Turcotte
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