[La Petite Vie] Rod et Caro, où sont-ils rendus ?
Dans le cadre de la reprise des tournages de La Petite Vie, nous avons eu l’honneur de nous entretenir avec Bernard Fortin, interprète de Rod Paré.
LAURIE MONGRAINALISON MATHIEUENTREVUESTÉLÉ & CINÉMA
Laurie Mongrain
2/28/20239 min read
Ceux qui, entre 1993 et 1998, ont religieusement écouté les 59 épisodes de La Petite Vie seront heureux d’apprendre que Claude Meunier a récemment annoncé la reprise des tournages. Tous les membres de la distribution originale, sauf Serge Thériault qui personnifiait Jacqueline, alias moman, ont accepté de replonger dans l’histoire, afin de donner quelques réponses au public qui se demande ce qu’est la famille Paré devenue.


Célébrant ses trente ans, cette série télévisée fortement considérée comme un indélébile classique québécois est la seule à avoir franchi la barre des quatre millions de cotes d’écoute, le 20 mars 1995, pour l’épisode Mlle Morin et à avoir battu son propre succès grâce à l’épisode Réjean reçoit avec un record toujours inégalé de 4 098 000 téléspectateurs. Alors, c’est sans grande surprise que les amateurs se ravissent depuis mercredi, quant au retour de leurs lurons favoris. Au nombre de six, les nouveaux épisodes seront joués et filmés devant les spectateurs, puis rendus accessibles au grand sur ICI TOU.TV EXTRA dès 2023-2024, avant d’être ultérieurement diffusés à Radio-Canada.
Parmi les quatre enfants du couple Jacqueline et Aimé « Ti-Mé » Paré, nous retrouvons Rod, l’aîné, et Caro, la benjamine. Tous les deux ont des relations particulières, marquées par la dépendance et la tergiversation. Si lui est davantage à la recherche du sens de la vie, elle, elle ne reste passive face à aucune situation. Toujours prête à revendiquer pour diverses causes, écologiques ou sociales, et désireuse d’améliorer le monde, elle est considérée comme la rebelle de la famille. Son tempérament est relativement strict et autoritaire ; les autres ont intérêt à se rallier à ses opinions, malgré ses quelques failles. Autre similarité, les deux sont versatiles. D’un côté, Rod tente de s’adapter aux aléas de la vie qui, nous le constatons, n’est pas simple envers lui. Et de l’autre, de grosse à religieuse, en passant par une secte végétarienne (les ho-mos) au sein de laquelle l’on devient éternel, Caro est en quête de son identité. Elle aimerait savoir qui elle est, alors expérimente, sans grande révélation.


Qu’est-ce qui attend Rod, et dans quelle période de sa vie le retrouverons-nous ?
Rod, c’est pas mal… Tu as un petit punch, la première émission, sans le dévoiler complètement, Rod va vraiment avoir pris un coup de vieux. Ce qui est normal, mais ! Est-ce qu’il va rester comme ça, ou on va l’aider à revenir comme il était ?
Notons qu’à la base il était totalement absorbé par les vêtements (surtout les bas), les cheveux, les femmes et Rod Stewart. Il était un peu superficiel, ce qui agaçait beaucoup Caro ; bien qu’elle multiplie les relations qu’elle achève toutes à la vitesse de l’éclair, et pour des raisons généralement de façade. Grand adolescent, Rod est incapable de vivre sans sa mère, dont il demeure le chouchou. Au cours des premières saisons, il lui apportait ses vêtements sales dans un sac à vidages, puis elle les lavait avant de les lui remettre, avec quelques repas. Caro est aussi très attachée à Jacqueline, mais sans en être dépendante. C’est effectivement la seule qui la comprenait parfaitement. Du moins, qui lui en donnait l’impression.
Pour plusieurs, à l’époque, La Petite Vie représentait des rendez-vous, des réunions familiales, devant la télévision les samedis soir. Crois-tu que ce même effet sera recréé lors de la diffusion des six nouveaux épisodes ?
Je le souhaite ! Je souhaite que La Petite Vie ramène les gens devant le petit écran en famille, ça, c’est sûr. Parce que, Claude [Meunier] l’a dit, on ne sera pas des tapons qui n’ont pas évolué et qui vivent encore comme dans les années 1990. Mais on sera encore tapons, version 2023, parce que c’est ça qui est comique. Et puis, tout le monde a compris. Toi qui es jeune, tu as compris le niveau à 17 ans. Tu ne juges pas ce niveau-là par rapport aux valeurs de la société, et tu sais que ça a été créé comme ça. Il n’y a pas de malice ni de jugement par rapport à ça. Tu ne dis pas : « C’est ringard ; c’est vieux jeu ! », alors c’est la preuve que les gens comprennent le niveau. C’est un niveau, une bulle, à part. C’est tellement bien écrit que c’est facile. Et la musique de Claude… Le rythme et le beat de Claude ; les jokes surprenantes, qui marchent. C’est drôle, la comédie. Un jour, quelqu’un nous a demandé quelle sorte de comédie on faisait, j’ai répondu : « de la comédie comique ». Alors, La Petite Vie, c’est comique.
Bon, peut-être que certaines personnes vont faire : « Pourquoi nous ramènent-ils ça ? » Je pense qu’il y en a déjà sur les réseaux sociaux, et tu es à même de le savoir plus que moi, qui font : « Pourquoi le retour ? Ça avait bien fini, pourquoi essayer de monnayer ça ? Est-ce parce que les acteurs ne font plus rien, puis qu’ils veulent faire parler d’eux ? » Ce n’est pas le cas. Au contraire, nous avions tous des problèmes d’horaires malades ! Mais, Claude nous appelle et nous demande : « Est-ce qu’on rejoue dans le même carré de sable ? J’ai changé le sable. » On a tous accepté spontanément.
Et sachant qu’il y a du monde comme toi, de ta génération, qui ont envie d’assister à un retour, d’avoir accès à de nouveaux épisodes, notre envie de replonger dans cet univers-là est quadruplée. Faire des trucs pour ta génération et celles à venir sera un réel plaisir. Pour notre gang à nous autres aussi, celle qui nous a suivis. Ceux qui avaient 30 ans à l’époque, comme j’avais, qui nous suivent, puis qui sont rendus dans la soixantaine comme moi, ils vont faire : « Comment ont-ils évolué ; ou pas évolué (rires) ? »


Justement, a-t-il gagné en autonomie, considérant que moman sera physiquement absente ?
Non ! Ça, je peux affirmer que l’autonomie du côté de Rod n’est pas encore acquise. C’est un éternel adolescent, même à 65 ans. J’en connais des gars comme ça encore, de vieux chums du secondaire pour lesquels ça n’a pas trop, trop bougé. Ils se sont mariés, puis ça n’a pas duré ; ils se tiennent dans les mêmes bars, ils ont encore les mêmes petites habitudes. Rod, j’ai l’impression qu’il est fait comme ça un peu. Le fait qu’il n’a pas eu d’enfant, qu’il n’a pas été en vie de couple stable et tout ça fait qu'il est volage puis qu'il va être encore un peu ado, mais à l’âge de 60 ans. J’ai hâte de voir (rires) ! Comme il y a des jeunes plus vieux de caractère, plus matures que leur âge.
Comment te prépares-tu à renouer avec ton personnage ?
C’est avec les autres ; avec la troupe, la dynamique des scènes puis de tout le monde. Comment vais-je renouer avec lui ? Moi, c’est sûr que c’est quand on va tout me grimer, puis que je vais me voir dans le miroir déguisé en Rod. Là, ça va être spécial, ça va faire : « Hi everybody! » Il va revenir. Il va revenir, et ça va être touchant.
En ce qui concerne la manière singulière qu'a Rod de s’exprimer, ses lignes fétiches sont : « Salut mom ! Salut pops ! » et « Hi everybody! ». Il rêve d’épater la galerie, mais, comme il l’a malgré lui merveilleusement démontré lors de son passage à Music Plus, épisode dans lequel Caro était devenue une vedette instantanée, bégaie quand il se trouve devant une caméra. Bernard a par ailleurs mentionné être allé visiter le musée de La Petite Vie à Pointe-à-Callière la journée de son lancement, un projet qui l’avait profondément bouleversé.
« Moi, je suis allé au lancement du musée de La Petite Vie — Claude était là, une couple d’autres comédiens de notre gang étaient là aussi. Quand je suis entré dans le décor, que j’ai vu les perruques et les costumes, ça m’a touché, ça m’a bouleversé. La vieille télévision et les décors… Alors, quand on va entrer en studio, dans le même endroit où on enregistrait pas mal toutes les scènes, puis qu’on va voir les trois décors alignés, la tapisserie et tout ça, ça va me faire un “Woah !”, ça va me faire quelque chose. Ça va être touchant, comme la première lecture qu’on a eue, comme quand Claude nous a appelés au téléphone pour nous parler individuellement. Toute l’équipe s’est dit que c’était touchant qu’il y pense, qu’il ait envie de réécrire pour nous. Donc oui, ça nous tente. »
Comment as-tu réagi lorsque le retour de la série s’est officialisé ?
Ah, je me suis dit : « Enfin, Bon Dieu ! » C’est juste si ça a été détruit. Nous autres, on s’est fermé pendant deux ans de temps, puis là, ça a été concrétisé. On a pété la balloune ! Mais non, c’est de retrouver ma gang. On ne joue plus au hockey sur la glace ; on va jouer en running shoe, et probablement moins vite (rires). Toute la même gang, se retrouver puis que ce soit facile. Tantôt, on se montrait… Je disais à Josée [Deschênes], puis à Diane [Lavallée] : « Dans le temps, on ne se montrait pas les photos de nos enfants sur nos téléphones, on avait nos photos sur papier. Là, on scroll nos téléphones et on montre nos photos de petits-enfants. » Parle-moi d’un projet au Québec que tu as commencé en ayant tes enfants, puis que tu reprends en ayant des petits-enfants. Il n’y en a pas beaucoup, sauf les Simpsons. Moi, ça fait 32 ans que je fais du doublage sur les Simpsons et c’est le seul show où j’ai vu du monde mourir, des enfants naître et des enfants d’enfants venir au monde. J’ai aussi vu des comédiens devenir arrière-grands-pères ; quand ils étaient parents au début, ensuite grands-parents puis arrière arrière-grands-parents. Tout ça, sur une seule série, c’est incroyable ! Et on retrouve ce feeling-là aussi sur La Petite Vie.
Même ce matin, on voyait à quel point vous étiez émus d’annoncer la nouvelle…
Ah oui, oui, oui ! Il était touché Claude, vraiment. Puis la dimension de moman aussi, qui va être omniprésente, mais sans être là visuellement. C’est beau ce qu’il a dit. C’est ça que je disais tout à l’heure : « Dans la vraie vie, si tu perds ta mère, qu’elle meurt, tu la refais vivre. Tu refais de la dinde comme elle faisait, tu fais sa sauce à spaghetti. Tu gardes ses vieilles photos d’elle dans la maison, puis son odeur de parfum. » Ça va être un peu imprégné de ça La Petite Vie, on ne l’oubliera pas. Ça va être touchant même, une belle dimension qu’on peut rajouter.
Caro en veut beaucoup à Ti-Mé, son père, avec lequel elle entretient une relation amour-haine, sous les jugements de sa mère. En l’absence de celle-ci, le lien qu’elle entretiendra avec lui sera-t-il plus sain, moins souffrant ? Sauront-ils mieux s’accorder ou, au contraire, essaieront-ils davantage d’avoir chacun le dernier mot ? C’est ce que nous pourrons découvrir prochainement sur ICI TOU.TV !


Outre La petite vie, as-tu des projets qui s’en viennent ?
Oui, j’ai une couple de séries. J’en ai même trop (rires) ! Il y a Complètement Lycée qui roule actuellement, La maison bleue aussi. Et là, je viens de tourner une série de Jean-François Rivard, qui faisait également Série noire et C’est comme ça que je t’aime. Je viens de finir les tournages de ce projet-là qui s’intitule Bon matin Chuck (ou l’art de réduire les méfaits) et qui va sortir bientôt sur Crave. Je suis là-dedans. Au théâtre, je suis au St-Denis, puis en tournée avec Le Dîner de Cons, une autre pièce mythique qui date d’il y a longtemps et qui est très, très, très, drôle. Et plein de trucs, plein d’affaires, plein de choses à part.
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