[Palmarès] Émile Bilodeau en 10 oeuvres

Laurie Mongrain

3/1/2023

Top 10 | Chansons d'Émile Bilodeau

Découvert par une majorité grâce à J’en ai plein mon cass, Émile Bilodeau est une véritable icône du rock, du blues et du folk francophone. Textes songés, cœur d’enfant et singularité trônent au centre de l’univers de cet auteur-compositeur-interprète ayant cumulé plus de 7,5 millions d’écoutes sur Spotify en 2022. Indépendantiste dans l’âme, il se démarque et mérite amplement sa place dans le paysage culturel québécois, voire international. La sélection des dix meilleures pièces musicales a été complexe à effectuer puisque l’entièreté de sa bibliothèque regorge de petits bijoux, mais voici quelques indispensables de l’artiste !

Album : Rites de passage (2016)

Dehors

La première composition de l’artiste, Dehors, laissait préliminairement entrevoir de quoi la suite de sa carrière serait construite. Déjà à 16 ans, Émile sortait des phrases mélancoliques, mais naïves en apparence, et pleines de sens, telles que « J’suis un peu triste, mais j’ai l’impression que j’suis obligé de sourire encore ; j’suis un peu perdu, mais y’a Facebook pour me rappeler qu’il pleut dehors. » Métaphores, réflexions et valeurs humaines sont au cœur du texte, tout comme le besoin de se sentir important aux yeux des autres, en particulier de celui ou celle que nous chérissons « Sur une scène, j’suis tellement bien devant des millions de gens, mais devant toi c’est fou de voir à quel point j’suis pas pertinent », conduisant même, certaines fois, à l’insomnie « Faque ça fait une couple de jours que j’ai de la misère à me coucher. J’suis tombé en amour, pis ça me fait un peu chier », lorsque l’affection qu’on lui porte s’avère unilatérale ou instable.

Ça va

En plus de traiter de l’un des sujets les plus difficiles au monde, la mort, Ça va est une œuvre d’art en soi. Le texte rappelle qu’avoir nos moments d’ennui ainsi qu’une envie que le temps file plus rapidement afin de rejoindre nos êtres chers disparus est normal, mais surtout, surmontable. Durant son processus d’écriture, l’auteur est allé chercher l’approbation de son frère « Au moment où je l’ai écrite, à côté de moi, dans mon entourage, chez nous, il y avait mon frère. Je lui ai demandé de venir écouter ce que j’avais fait. Je lui ai joué le premier couplet, puis il a vraiment trippé. » Dans le rôle de l’homme endeuillé qui se fait proposer des voies plus rapides vers la porte de sortie que tous devront prendre un jour ou l’autre, Émile avance quelques raisons de s’accrocher à la vie, de ne pas baisser les bras. Et ce texte, il le doit en majeure partie à son propre grand-père « J’ai écrit cette chanson-là suite au décès de notre grand-père Philippe Bilodeau, un grand respect pour cet homme-là. Ça va au-delà de l’amour inconditionnel. Moi, je suis très fier d’être québécois et je me donne comme devoir de promouvoir cette fierté-là puis de dégêner le peuple que nous sommes ; retrouver cette fierté-là. C’est grâce à mon grand-père indirectement, parce qu’il est décédé. J’ai écrit cette toune-là, puis ça m’a fait beaucoup de bien. Pour passer à travers un deuil, parfois ça prend juste une toune, un poème ou des amis. » Beaucoup d’auditeurs y voient une source de réconfort, une manière de surmonter leur tristesse et de continuer à regarder droit devant, sans oublier ces personnes qui nous attendent là-haut « Grâce à mon grand-père, j’ai eu cette réflexion-là. Grâce à ce qui est arrivé, aujourd’hui cette chanson-là aide les gens à passer à travers des moments difficiles puis je lui en serai toujours reconnaissant. »

Album : Grandeur Mature / 2019

Freddie Mercury (feat. Klô Pelgag)

Chanson qui démontre que l’imperfection du monde est également ce qui permet à l’existence d’être si belle, si poétique, si « sexy ». Qu’il suffit que de connecter avec des gens d’horizons divers pour être plus heureux, plus épanoui. Qu’il est essentiel de s’assumer, de s’aimer tel que l’on est ! Et lorsque se marie la voix de Klô à celle d’Émile sur les paroles « Nobody can tell me how to be, how to love, how to believe in my God », un bouleversant duo en résulte.

Métaphores

« Savais-tu que..? » est la ligne directrice de cette pièce musicale. Pour tous ceux qui éprouvent des difficultés quand vient le temps d’entretenir une relation sociale, le texte vous percutera, vous rejoindra. Pour les autres, c’est le rythme quasi chevaleresque qui vous convaincra de l’écouter à maintes reprises. Entre ses analogies à l’amour et l’amitié, il se garde du temps de glace pour miser sur le sens des mots et parvenir à tisser sa toile, son tableau parfait.

Mille agneaux milléniaux

Album : Petite nature (2021)

Immense coup de cœur personnel, le texte de cette composition dévoile une facette de ma génération parfois dissimulée, et que très peu abordée en musique, le besoin d’attention, voire d’approbation, sur les réseaux sociaux. Le texte, du génie. La mélodie, accrocheuse. Le refrain « Ouais, on est bien, mais on est bêtes » bien pensé. Sans oublier la fin du premier couplet qui donne un avant-goût idéal aux auditeurs de ce dont traitera l’ensemble de l’œuvre « Courez la chance de gagner une tranche de mon amitié si vous likez ma photo ! Le fermier m’a commandité, faque allez donc y acheter son vernis pour vos sabots… »

Ma maladie mentale

Aborder un sujet lourd d’une manière légère sans omettre d’être représentatif, Émile le fait à la perfection dans Ma maladie mentale. Le refrain démontre au moyen d'une comparaison la complexité des maladies mentales, sans grand détour « Si j’avais eu mal dans l’pied, on aurait pu me l’couper. Mais là, c’est que la bête, elle vit dans ma tête pis ça on peut pas me l’amputer, pis c’est drette ça qui m’fait chier. » Comme quoi, même les blessures qui sont imperceptibles de l’extérieur ne sont pas moins souffrantes pour autant. Les hôpitaux psychiatriques sont décrits à la perfection, ainsi que l’ambiance qui y règne la majeure partie du temps et l’état des patients « C’est pire, parce que c’est ma tête qui essaie de fuir mon être, une sorte de peine dans mon crâne qui comporte ses up and down. Mon âme ressemble aux murs de ma chambre. » Pour tous ceux qui ont dû traverser cette épreuve au cours de leur vie, la chanson ne peut que les aider à accepter leur route, puis les motiver à se tracer un bel avenir, dépourvu de toute honte.

Métamorphose

Dans cette chanson, Émile ne donne pas dans les textes à double sens, mais se rend directement au but. Il parle des ruptures amoureuses telles qu’elles sont faites, et porte un grand espoir en l’évolution personnelle. Il use d’ailleurs d’une phrase puissante, douce et profonde pour véhiculer le message souhaité, soit que chaque humain devrait conserver ses particularités, tenter de demeurer le plus authentique possible : « Je veux changer pour mieux me ressembler. » Nous ne devrions pas instaurer un climat de domination au sein d’une relation, qu’elle soit amicale ou amoureuse. Tout un chacun d’entre nous mérite d’être traité sur le même pied d’égalité, sans se bâdrer des théories ancestrales, dénuées d’humanité « C’est la loi du plus fort, toi et moi on a eu tort de baser notre vie sur des théories. À force de trop analyser, on s’écorche, on se fait chier. » Ainsi, il rappelle l’importance d’être centré, d’être connecté à chaque instant qui passe « C’est le moment présent la seule science, je pense. »

La jungle du capital

L’économie expliquée d’une manière si imagée que les enfants qui portent attention aux paroles arriveront à comprendre les rudiments du capitalisme. Et ce, dans un monde où la situation socioéconomique est de plus en plus précaire, ça s’avère primordial. Donnant une allure de personnage animalier à chaque personne qui a le pouvoir de déterminer à qui vont les fonds bancaires, dont au narrateur « Je suis l’humble animal de la jungle du capital », cette chanson est en réalité une histoire vraisemblable. Catastrophique, mais tangible « Un, deux, trois, quatre, prêt, pas prêt, y faut qu’tu te battes pour un prêt pis si tu l’rembourses pas, bin là, ça va mal. On pogne pas grand poisson dans l’filet social ». Texte intelligent et brillant, à l’image de l’auteur-compositeur-interprète qui en est à l’origine.

Je me souviens

Dépeignant avec transparence la tendance qu’ont certaines personnes remplies de préjugés à se comporter en fonction de ces derniers, Je me souviens est l’œuvre la plus poignante de l’artiste. Les paroles saisissent les auditeurs, et ne laissent pas l’occasion à leur attention de vagabonder. Chacun des mots semble pesé et chacune des phrases, conçue pour changer la perception du monde. Émile y aborde lucidement des thèmes fondamentaux, soit le racisme et la religion, les appuyant d’exemples concrets, dont l’histoire de Joyce Echaquan et celle de George Floyd. Il les conclut toutes par un blasphème : « Criss », qui introduit des lignes poussant à la réflexion. « On sait bien, le racisme va encore plus loin » à deux reprises, « Faque, pourquoi qu’en 2020 on a encore plus peur de nos voisins ? » la fois suivante, puis « Si un jour ma fille se fait enseigner la Révolution tranquille par une femme voilée […], on va le savoir : le racisme a toujours eu tort. » La chanson se démarque donc par son aspect frappant, et sa capacité à approfondir sans digression les problématiques actuelles.

Royauté

Album : Tout seul comme un grand / 2022

Comme le dit si bien l’auteur lui-même : « La monarchie, c’est la plus grande des fautes. Y a pas une vie plus importante qu’une autre. » Tout au long des 3 minutes et 26 secondes que dure cette pièce musicale, c’est ce qu’il prouve. Et si le monde venait à s’effondrer ? Si les classes sociales étaient secouées, la perception que nous en avons remise en doute ? Si nous accordions moins d’importance au règne du roi et de la reine, que deviendrait la civilisation ? Une rébellion est-elle envisageable ? Décortiquer ces questions sur fond entraînant, c’est une mission accomplie pour l’interprète ! « J’va crisser une rince un moment donné à un prince pis on verra ce qu’il se passera. » Pendant que le texte nous est délivré d’une manière si exacte, nous comprenons quelque chose. Quelque chose d’essentiel, mais trop souvent sous-estimé. Si la fin du monde approchait, tout ce système ne tiendrait plus. Tous ceux que nous plaçons en haute estime redescendraient au même niveau qu’est le reste de la population « Et tombent les bombes sur le royaume qui s’effondre. Qui l’eût cru ? Il ne reste plus que les colombes et les fantômes qui grondent. »

Vous l’aurez compris, je l’espère, Émile Bilodeau est un auteur-compositeur d’exception, qui porte le Québec dans son cœur. Il n’hésite pas à entrer dans le vif des sujets sensibles ni à se servir de son apparence enfantine et naïve pour puiser à l’intérieur de lui-même des émotions, écrire des textes uniques. Si l’on s’intéresse un tant soit peu à sa plume, nous découvrons une richesse insoupçonnée, facilement qualifiable de rafraîchissante. C’est un modèle à suivre pour tous ceux qui rêvent de percuter le monde un mot à la fois. Donc, nous vous invitons à acheter des billets pour l’un de ses spectacles. De la salle, vous sortirez grandi, enjoué et comblé. Pour en découvrir davantage sur son univers artistique et ses principaux projets en cours, suivez-le sur ses divers réseaux sociaux : Facebook, Instagram & Twitter. Mais surtout, abonnez-vous à son compte YouTube afin de demeurer à l’affût de sa carrière.

Laurie Mongrain

Journaliste

Karina Dionne

Photographe

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